Lina commence à douter de son mari : travail de l'imagination, ou soupçons bien fondés?
Synopsis:
Lina a toujours vécu de façon sérieuse, avec ses parents, préférant se consacrer à ses lectures plutôt qu'à sa vie sentimentale. Elle tombe cependant sous le charme de Johnnie, un séducteur invétéré qui s'est épris d'elle. Ils décident de se marier, et partent pour une magnifique lune de miel. Tout va pour le mieux, et pourtant Lina apprend que son mari n'a jamais eu d'argent, n'a jamais travaillé, tout en vivant de manière extravagante. Ce n'est que le début d'une série de mensonges et d'attitudes étranges de la part de Johnnie, qui mèneront Lina à le soupçonner de vouloir la tuer...
Mon avis:
Connaît-on vraiment nos proches ? Quelle part de vérité et de mensonge dans ce qu'on sait d'eux ? Et quelle part d'imagination également ? Telles sont les questions que la pauvre Lina va se poser, malgré elle.
En effet, plus moyen de reculer : elle est mariée, et tout ce qu'elle a ce sont des soupçons : aurait-elle tort, qu'elle ne s'en remettrait jamais. Aurait-elle raison, qu'elle serait alors en grand danger. Et puis après tout elle est mariée, ce n'est pas là l'attitude d'une femme aimante que de céder à son imagination (car que sont les soupçons si ce ne sont des cauchemars de l'imagination ?). Prise au piège ? C'est ce qui est sous-entendu lors des plans large, où perdue au milieu du hall d'entrée, Lina semble prise dans une toile d'araignée formée par les ombres des fenêtres.
L'histoire avait pourtant si bien commencé, par une rencontre fortuite dans un train. Elle, plongée dans son livre de psychologie avec sa tenue (et notamment son chapeau et ses lunettes) qui soulignent son manque d'assurance, lui, sans gêne mais classe, déjà fauché, mais drôle, et si attachant. C'est le début d'un petit jeu de chat et de souris (où les rôles s'inversent), dans lequel il exerce tout son pouvoir séducteur, et dans lequel elle libère ses passions amoureuses. Et tout est déclenché par cette scène où Johnnie tente de la tenir dans ses bras, au bord de la falaise balayée par les vents : et si elle ne veut pas l'admettre au début, ce sont toutes ses passions qui sont libérées (des plus chastes aux plus sexuelles). C'est en fait elle qui se libère (et pourtant on sent déjà sa méfiance, et cette scène ressemble presqu'à un viol de loin). Ses lunettes se raréfient (juste parfois pour lire), et adieu le chapeau. Quant à lui, c'est bien la première fois qu'il envisage une relation durable avec elle. Et rapidement le mariage, la lune de miel. Et ses cheveux à elle se détachent un peu.
Puis c'est le début des mystères. Comme la découverte du fait que Johnnie n'a pas les moyens de payer la splendide maison où vit le jeune couple, et qu'il ne vit que sur des emprunts qu'il fait à droite à gauche. En fait, il n'a jamais travaillé. Et il semble très intéressé par le cadeau de mariage que ses beaux parents aisés peuvent lui donner. C'est le début des questions. Et sans qu'on s'en rende compte, elles évoluent en doutes, et finalement, en soupçons... L'attitude de Johnnie est pour le moins étrange. Jamais à la maison, personne ne le voit au travail. Même quand il est présent, ce n'est pas toujours mieux : ainsi, lorsqu'il voit son ami Beacky s'étouffer, il se contente de lui lancer un regard froid et d'empêcher sa femme de chercher des secours, affirmant que ça ne servirait à rien. Troublant...
Mais celle qui est troublée c'est la pauvre Lina. Tendrement amoureuse de son mari, les doutes l'assaillissent et la ravagent. A mesure que tout avance, sa santé se dégradent. Car il n'y a rien de pire que de ne pas savoir. Son imagination la travaille. Elle commence à voir son mari tuer ses amis. Même lors d'un simple jeu de société, elle écrit presque inconsciemment le mot "murder". Pire encore, trouve-t-elle quelque réconfort, que tout de suite son morale est descendu par une nouvelle déconcertante au sujet de son mari. Si ça se trouve, ce n'est qu'un homme immature ? Mais dans ce cas, pourquoi réagit-il si violemment lorsqu'elle s'intéresse un tant soit peu à ses affaires ? Tout va donc de mal en pis.
Vient la question fatale : et s'il voulait la tuer pour son argent ? L'angoisse atteint son paroxysme lors d'une scène étouffante : malade, elle reste au lit et se fait apporter un verre de lait par son époux. Tendre scène amoureuse ? Plutôt sommet de suspense. Et tout va ainsi, nous perdre dans les méandres du doute.
La réponse à toutes ces questions, à la fin du film. Il fallait un maître comme Hitchcock pour maintenir un suspense totale jusqu'à la fin. Tout y est maîtrisé, et certaines scènes sont purement anthologiques (aucun réalisateur ne sait utiliser les silences commme Hitchcock). Sa force est d'avoir su s'entourer d'acteurs géniaux. Cary Grant, tout en classe et en froideur, renforce tout le mystère qu'il existe autour de son personnage. Mais celle qui mérite toutes les louanges, c'est la fabuleuse Joan Fontaine, justement oscarisée pour ce rôle. De la passion amoureuse, au doute le plus maladif, elle transmet une large palette d'émotion avec aisance. Une grande actrice.
Les soupçons passent de Lina au spectateur, qui finalement ne sait plus qui croire. Un film sublime qui tient en haleine jusqu'au bout.
Ma scène culte:
La scène finale. Pour éviter de tout dévoiler je n'en dirai rien, mais le dénouement est des plus prenants !