-C'est sûr, c'est plus simple de viser quand on n'a pas de bandeau de pirate!
Synopsis:
Au début des années 90, L.A. est sous tension extrême: le verdict du procès des quatre flics qui ont aggressé l'afro-américaoin Rodney King va bientôt être rendu. Au même moment, Eldon Perry, flic pourri, mène l'enquête sur un braquage à mains armés dans une épicerie, qui s'est terminé par plusieurs meurtres. Il est secondé par le jeune Bobby Keough, qu'il veut former à ses méthodes. Tous deux vont découvrir à quel point la police de L.A. est corrompue jusqu'à la moelle...
Mon avis:
Les thrillers de James Ellroy ont toujours quelque chose de sale, de poisseux. On y trouve la lie de l'humanité, des êtres sans illusions, broyés par le destin. Dark Blue ne déroge pas à la règle, nous offrant un personnage des plus torturés en la personne d'Eldon Perry.
C'est bien ce dernier qui est au centre du film. On le découvre roublard et arrogant dans les premières scènes. Sans pitié, il n'hésite pas à tuer les suspects qui se trouvent sur la route, si ça peut expédier l'affaire, ou prouver qu'il est un homme, un vrai. De toutes façons, ils le méritent bien: qui dans les bas-fonds de L.A. peut se targuer d'être un honnête homme?
Ne vous fiez d'ailleurs pas aux apparences, car cette dernière phrase est une réalité dans le film. Ainsi, deux gars s'offusquant du fait que la justice ne soit pas rendue envers Rodney King, se retrouvent la scène d'après à tuer avec un tel naturel les clients d'une épicerie, que l'on est d'abord surpris de voir la première balle sortir. De même, un émmigré chinois, qui déplore la mort de sa femme, déplore en fait la perte de plusieurs centaines de milliers de dollars issues de son business de proxénétisme.
Pour en revenir à Eldon Perry, il cache au fond de lui de profondes failles. Sa façon d'être, il ne l'a pas choisie, on la lui a imposée. Et au fil des années, il a préféré se voiler la face, continuant de vénérer des veaux d'or, qu'il imagine honnêtes, comme son chef, interprété par un Brendan Gleeson d'une froideur effrayante, qui cache sa cruauté sous un air jovial. Même lorsque la vérité lui explose à la figure, il lui tourne le dos, choisissant la seule issue qu'il connaisse: la violence et la corruption de ses idéaux. Il n'y a pas vraiment d'issue, Eldon Perry s'est finalement exclu de l'humanité. Il s'en rendra compte trop tard, comme en atteste une de ses dernières répliques, dans laquelle il demande à être envoyé dans une prison pas trop violente. Désespoir...
Il fallait un acteur de grand talent pour interpréter les multiples facettes de ce personnage. Kurt Russel s'est avéré être un choix de maître. Quelle intensité dans le jeu! Son regard surtout, est tellement expressif. Tour à tour arrogant et soucieux, triste et hilare, il pioche dans une vaste palette d'émotions. Il faut le voir exprimer la désillusion qui domine peu à peu son personnage.
Le film entier est traversé par ce pessimisme sombre. La violence est filmée avec naturel, sans exagération ni effet de style, ce qui renforce la froideur des personnages, qu'ils soient rôles principaux, second rôles, ou même figurants (le finale durant l'émeute notamment). Même ceux qui affichent leurs idéaux se montrent souvent peu de sensibilités. Arthur Holland, directeur adjoint de la police, veut faire arrêter Perry et ses idéaux? Oui, mais au même moment il refuse que sa femme le quitte, car il a besoin d'elle s'il veut devenir le premier chef de la police noir de L.A., même si elle souffre du souvenir de la liaison qu'il a eu avec son assistante. Cette dernière d'ailleurs, préfère une relation distante avec le jeune Bobby Keough, se contentant de coucher avec lui de temps à autres, et refusant de connaître son nom. Ce dernier est d'ailleurs le seul à avoir des idéaux bercés de belles illusions. Nul besoin de dire qu'il sera broyé par le destin.
La musique jazz reflète bien ce pessimisme, cette sensation de voyager sans nul autre but que d'avancer, et sans voir où l'on se dirige. D'ailleurs, durant la scène de l'emeute, à la fin du film, cet errement est traduit par les fumigènes qui obligent Perry à rouler au pas, pendant qui diverses silouhettes passent près de sa voiture. Une bel mise en scène.
On peut regretter le côté réconciliation des 5 dernières minutes, juste après le très beau discours de Perry, dit de façon poignante par Kurt Russel. Sa femme qui semble tout lui pardonner, le grand méchant qui va en prison... Heureusement le dernier plan sur une L.A. en feu, nous ramène à la dure réalité de l'histoire.
Je ne saurais que trop conseiller la vision de ce film, ne serait-ce qe pour la performance magistrale de Kurt Russel.
Ma scène culte:
Perry a réussi à élucider l'affaire des meurtres de l'épicerie. Ce qu'il ne sait pas, mais que le spectateur sait, c'est que son chef, qu'il vénère, est derrière tout ça. Il le découvre de façon brutale, lorsque ce dernier lui dit froidement, les yeux dans les yeux, qu'il s'est trompé de coupables. Il faut voir la peine dans les yeux de Kurt Russel. Il évoque un petit garçon, perdu, à qui l'on vient de révéler quelque chose à laquelle il refuse de croire. Car c'est bien ce qu'est son personnage: un homme à qui l'on a volé l'enfance.